Les vestiges du jour de Kazuo IshiguroÉditions 10/18Lire l'article ! (suite de l'article + 1 commentaires)
Ecrit par Grezel, a 15:03 dans la rubrique "Livres".
Dimanche (16/03/03)
"Et qui va promener le chien ?"
Et qui va promener le chien ? de Stephen Mc CauleyÉditions 10/18
J'avais trouvé ce livre il y a quelques jours dans la bibliothèque de mes parents et, étant sans rien à me mettre "sous l'oeil" depuis quelques temps, j'entrepris la lecture de ce livre.
La quatrième de couverture ne me dit de prime abord pas grand-chose. Une critique de magazine tenait lieu de résumé : "Il y a Clyde, le gay mal remis d'une rupture. Il y a le beau Marcus, son colocataire résolument hétéro, mais incapable d'entretenir une relation adulte. Et puis il y a Otis, pauvre clébard traumatisé par on ne sait quels malheurs passés. Bref, un trio d'inadaptés en butte aux petites difficultés du quotidien."
J'appris dans la biographie de l'auteur qu'un de ses livres avait été adapté en film sous le nom de "L'objet de mon affection" avec Jennifer Aniston. Ce film ne m'avait pas laissé un souvenir marquant, tout au plus m'avait-il plu par son côté comédie sentimentale. Mais cependant, tout au long de la lecture de ce nouvel opus de l'écrivain américain, je me surpris à imaginer ce que donnerait ce roman au cinéma.
Clyde, le personnage principal et narrateur de l'histoire, est professeur à Cambridge et enseigne la littérature à ses élèves adultes qui ont le même âge. Il se sent seul, terriblement seul depuis que son ancien petit ami l'a quitté. Et il attend son retour, non pas pour se remettre avec lui, mais pour définitivement rompre et pouvoir tourner les talons sans amertume. Alors il reste dans cette vie flottante de célibataire avec son colocataire, et les jours passent. Tout au plus son quotidien monotone est-il bouleversé de temps en temps par sa soeur anxieuse, son père acariâtre et les lettres de son amie, écrivaine. Seulement, celle-ci revient un jour à Cambridge avec son fils de douze ans, en quête de son père ; un chien battu est confié à Clyde ; et pour finir, son père trouve une petite amie qu'il tient absolument à cacher à sa fille. Clyde va se retrouver bloqué entre toutes ces situations, et tout le roman va découler de cette situation initiale.
Mais plus que l'histoire, qui pourrait presque passer au second plan, c'est surtout le talent de Stephen Mc Cauley qui plaît à la première lecture. Avec un regard caustique et dur, il décortique les travers de toute cette petite communauté, et transcrit avec brio les sentiments des personnages. La critique littéraire de quatrième de couverture compare même l'auteur à Woody Allen dans cette vision acerbe de l'Amérique moyenne.
Car au final, ce qui nous frappe dans ce livre n'est pas tant l'humour noir qui imprègne toute l'atmosphère du roman, mais plutôt le sentiment de solitude qui se dégage du narrateur. Il est, comme tous les autres personnages, à la quarantaine frémissante, perdu, paumé. Et il se rend compte qu'au bout de quarante d'ans d'existence, sa vie n'a en quelque sorte pas totalement commencé, bloquée par quelque accident de parcours, et dénudée subitement de tous les projets, de tous les rêves qui animaient jusqu'alors le narrateur. Le livre parle d'une Amérique en suspens, du mal-être de tous ces hommes et ces femmes, laissés au bord de la route, à l'instar de ce chien, Otis, qui sera présent dans tout le récit. Avec une vision pessimiste et empreinte d'un humour résigné, ce récit est moins amusant que la quatrième de couverture veut bien le laisser penser. Il baigne au contraire dans une tristesse sombre, et plus réaliste qu'on veut bien le croire. Un homme de quarante ans qui se rend compte douloureusement qu'il a manqué sa vie me semble trempé dans un réalisme beaucoup trop alarmant pour être comique. Et ce roman est triste. Il me semble parfaitement convenir aux Dimanches pluvieux où l'on broie du noir. Mais rien que pour le talent de l'écrivain - ou peut-être est-ce celui de la traductrice - ce livre méritera sans aucun doute que l'on s'y attarde. C'est du moins mon avis.
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Ecrit par Grezel, a 14:03 dans la rubrique "Livres".
