Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
 4ème - collège   3ème - collège   2nde - lycée   1ère - lycée   Textes   Divers   Contributions   Humeur   Livres 

INDEX :


  Ecrire un article


DECLAREZ-VOUS :
Ouvrir une session :
Identifiez les nouveaux articles et commentaires, signez les, et plus !
Nom d'utilisateur
Mot de passe
Version  XML 

BEST OF :
Ode à l'Été (3)
Test de Personnalité (33)
La Musique rachète l'Homme (6)
La tendresse de ma mère (5)
3. Et pourtant je l'aime (5)
L'histoire sera courte (1) (8)

A VOIR AUSSI :
castor : La blague de matheux du jour (0)
castor : L'histoire ne se répète pas, mais... (0)
castor : La blague de boomer du jour (1)
castor : Isekamomille (0)
castor : Bonne année 2024 (0)

La peur, c'est ce qui reste lorsqu'on a tout perdu


Dans mon désir de traiter en ces pages de sujets que je n’ai jamais abordés – trop tabous ? – j’aimerais parler d’une période que j’ai souhaitée garder cachée jusqu’à aujourd’hui. Lorsque je suis rentré chez ma grand-mère à midi, j’ai vu une poubelle en train de brûler dans une rue, et à ses côtés, un adolescent, nous narguant, comme fier de son acte de vandalisme. Lorsque je suis repassé plusieurs heures plus tard, les cendres étaient encore chaudes. Cet acte délinquant est bénin, évidemment, mais il me replonge dans tout un état d’esprit qui semblait m’avoir quitté. Je me trompais. À chaque fois que je traverse ce quartier, le quartier de mon ancien collège, je ne peux m’empêcher d’avoir peur. J’ai peur des monstres de mon passé. J’écrivais déjà au collège, mais je n’ai pour autant jamais traité de l’état du mauvais esprit au milieu duquel nous pataugions. Je dis en ces pages beaucoup moins de choses qu’il ne faudrait pour véritablement me comprendre.
Car la délinquance, l’insécurité à laquelle j’étais confrontée, sont des sujets difficiles à traiter. Je n’aurais pu en parler avant aujourd’hui, étant trop jeune auparavant. Et même maintenant, je me dis que je n’ai peut-être pas encore le recul nécessaire pour juger, me faire une opinion. Mais tant pis, essayons, avec l’expérience propre que j'ai eue durant quatre ans.
Le collège. Mon collège. Un établissement, difficile, classé en zone d’éducation prioritaire. Chaque jour, chaque jour ! Je m’y rendais la peur au ventre, en me demandant ce qu’aujourd’hui encore, il pourrait bien m’arriver. J’avais pourtant tout vu. Un jour, un collégien de mon âge m’avait agressé avec un pistolet. À billes, factice, ou autre, je n’aurais pu dire. Pourtant, je l’ai vu de près. De trop près. Planté sous mon cou. Puis un copain de mon agresseur surgit en criant qu’un adulte arrivait. Ils s’enfuirent alors à toute vitesse. Courageux mais pas trop.
Toujours au collège. Je m’y rendais du moins. Surgit alors un garçon sur un vélo. Avec le temps, je m’étais forgé une sorte de nouveau sens. Je sentais les personnes qui m’étaient hostiles. Je le sentais à des kilomètres. Une fois encore mon instinct ne me trahit pas. Le garçon freina brusquement devant moi et descendit de son vélo en le jetant sur le côté. Il s’approcha et me tint par le col en disant :
« Hé petit, file-moi ton sac. »
Il faisait deux têtes de moins que moi. Mais ce qui me frappait en lui était son regard halluciné, déterminé. Des cernes lui mangeaient le visage. Ébahi, je ne cessai de répéter :
« Tu es fou. Tu es fou…
- Ouais, je suis fou. »
Et il ricanait. Riait jaune. La situation aurait pu durer. D’ailleurs, elle me sembla durer une éternité. Puis un copain à lui, encore une fois, arriva, et lui dit d’un air gêné, peut-être honteux :
« Allez, viens… »
Et finalement le garçon me lâcha, et il repartit comme il était venu. Comme une broutille. La routine. Deux fois, une personne tierce m’avait sauvé. Ce n’est pas toujours le cas. En principe, la notion de groupe produisait l’effet inverse. À plusieurs, on se sent plus fort. Il nous pousse des ailes. Et on éprouve sans cesse le besoin d’impressionner ses pairs. Et c’était sûrement là le pire. Je ne sais combien de couteaux j’ai pu voir dans ma scolarité. Un bon nombre. Mais je ne pourrais raconter toutes ces anecdotes. Il y en a trop. C’était, pour tout dire, l’atmosphère qui régnait. La peur qui nous tenait le ventre, dans ce monde quasiment inconnu des adultes.
Pendant les récréations, il arrivait qu’on reçoive des pierres, parfois des crachats. Pour nous rappeler que nous n’étions pas à notre place. Lorsqu’on rentrait en cours et qu’on grimpait les escaliers dans le tumulte ambiant, des personnes derrière nous nous donnaient des claques sur la tête, et lorsqu’on se retournait pour demander qui était celui qui nous avait frappé, chacun en reportait la faute sur son voisin en ricanant. Certains, parfois, ne se cachaient même pas d’être les fautifs. Mais on n’y pouvait rien. On ne pouvait jamais rien. On devait subir, passivement. Car on ne connaissait pas les limites. Et c’est justement ce qui fait peur. Après cette notion succède la douleur.
Lorsqu’on sortait du collège, les règlements intérieurs de l’établissement n’avaient plus cours, et les quelques personnes qui restaient freinées par ces lois dans l’enceinte, s’en donnaient à cœur joie à peine la porte franchie en sens inverse. Dans la rue, aucune législation n’est effective. Alors les scooters pétaradaient, avec trois personnes dessus, sans casque. Des fumigènes furent lancés une fois. Et comme d’habitude, on subit, en toussant et crachant nos poumons. Et le pire était peut-être que l’on trouvait une sorte d’humour là-dedans. Et on souriait. De résignation. Car pas question de se rebeller, ou l’affaire prenait des proportions autres. Un jour où un de mes camarades avait tenté une vaine révolte après s’être reçu des gifles lâches, par derrière, comme toujours, il vit arriver le lendemain le grand frère de son agresseur, et mon camarade se fit frapper. En subissant. Passivement. Car il avait compris la règle qui régissait le collège. Ne jamais intervenir. Jamais. Attendre que ça passe…
Et c’est passé. Quatre années. Quatre longues années. On en sort endurci, évidemment. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Il y a des souvenirs douloureux sur le coup dont on parle ensuite avec nostalgie, quelques années plus tard. Mais de ces quatre années, je n’en parle qu’avec fatalisme. Résignation. Et si j’ai tant tardé à en parler, c’est que les mots me manquaient. Cerné par cette peur sourde et muette qui vous tenaille et ne vous lâche plus. Parler de cette autre réalité, de violences et de jours sombres. Heureusement, dans l’adversité, j’étais resté solidaire de mes amis. Il me restait ça. Tiens, je me rends compte que je n’ai pas encore parlé de mon professeur qui fut un jour frappé et mis à terre devant nos yeux. Mais vous aurez compris de vous-même. Alors désormais, au lieu de parler de racket avec votre fils, parlez-lui plutôt de cette peur tenace qui lui serre le ventre chaque fois qu’il va au collège. Il comprendra.

Ecrit par Grezel, le Vendredi 28 Février 2003, 11:01 dans la rubrique "Divers".
Repondre a cet article



Commentaires:

Journaliste?
Ecrit par Anonyme le Mardi 4 Mars 2003, 14:13

Tu devrais faire une école de journalisme.
Tu es doué pour décrire des situations et des émotions. Beaucoup de journalistes au bout de quelques années deviennent écrivains et sortent un livre.
Autrefois les écrivains étaient professeurs d'université aujourd'hui il vaut mieux étre journaliste si l'on veut faire son trou dans le milieu littéraire.
Tu connais sans doute Bernard Weber; il a commencé comme journaliste.

Repondre a ce commentaire

Tears-of-an-Angel
Ecrit par Tears-of-an-Angel le Dimanche 9 Mars 2003, 19:02

Je peux savoir de quoi tu parles.... Je peux partiellement comprendre ce qui s'est déroulé dans ta tête et qui peut être se déroule toujours.... Car comme toi j'ai vécu dans un de ces collèges... J'ai eu la chance d'en ressortir au bout d'un an... J'avais aussi la chance de faire une grande taille pour mon âge... Car que d'horreurs.... que de haine..... que de solitude pour un être en perdition.... On esssaye de comprendre, de se révolter mais finalement toute tentative se révèle vite vaine.... Que ce soit à cause de représailles violents ou non... La peur me hantait... Que dis je... La peur NOUS hantait... Nous, les frêles enfants que nous étions.... A notre entrée nous pensions que l'intérieur de cette industrie qu'était l'éducation nationale nous étions en sécurité.... Mais non, ils osaient défier l'autorité des adultes sans remords.... Le respect des aînés n'existait plus.... Seul l'espoir nous permettait encore de vivre.... Que dis je... de survivre.... Car nous ne pouvions parler d'une vie... Sans cesse craigant pour soi... pour ses amis.... pour ses professeurs.... Chaque entrée et sortie de ce lieu malsain était une épreuve physique en soi... Vaincre sa peur.... Supporter ces maux qui nous tiraillaient le ventre... Et surtout... Et surtout, éviter de se faire voir... Rester le plus discret possible... La discretion était l'unique solution.... "Une solution de lâche".... Oui nous étions lâche.... Oui nous tenions à notre sécurité... Oui nous tenions à celle de ceux qu'on chérissait.... Oui nous ne voulions plus souffrir.... Mais à qui celà pouvait il bien importer ??? Notre cas n'était qu'un morpion dans la grande touffe de poils de l'éducation.... Qu'une banalité.... Oui... Une chose bien trop banale.... En me rémorant cette période je ne peux penser qu'à ceux qui encore aujourd'hui subissent ce genre de maux.... Que dis je.... ce genre d'actes brutaux.... Personne n'a essayé de faire changer... Personne n'a pensé à nous.... Personne n'a tenté de nous aider.... Nous étions face à la cruelle réalité de la vie.... Nous étions seuls face à une violence sans limite.... Je regrette encore de n'avoir rien tenté.... De n'avoir pas essayé moi aussi de faire changer les choses.... Mais que pouvait bien faire un jeune garçon de 6° face à une telle barbarie ???? Non, je devais me résigner... je devais subir.... je devais en sourire... en sourire de peur que notre visage coléreux ou triste vexe nos agresseurs....

Repondre a ce commentaire

Grezel...
Ecrit par Grezel le Dimanche 9 Mars 2003, 21:34

Personnellement, plus que la violence physique, c'était véritablement la peur qui m'habitait. Et je peux certifier que cet état d'esprit ne m'était pas propre, il concernait à peu près tous les élèves de ma classe. Cette peur qui vous serre l'estomac. Chaque jour on se dit "qu'est-ce qu'il va m'arriver aujourd'hui ?" En principe il ne se passe rien, mais la peur ne nous quitte pas pour autant. Et on n'en laisse paraître le moins possible. Surtout ne pas affoler les parents. Cela passera, on se dit. Oui, ça passe. Au bout de quatre ans. Mais c'est trop long.
Et le pire, peut-être, n'est pas pour nous. À vrai dire, je ne sais pas comment était le collège il y a une dizaine d'années. Mais je peux déjà prévoir comment il le sera dans dix ans, si rien ne change. Je ne veux pas être alarmiste, mais craignez pour vos enfants, si vous en avez. Car c'est cette atmosphère sourde, étouffante, qui empêche les élèves de s'exprimer sur ce point. On ne veut pas inquiéter nos parents, on veut rester avec nos amis, tranquillement, alors on se tait.
Je me souviens d'une autre anecdote qui m'avait marquée sur le coup. C'était en 4ème, il me semble. Le collège venait d'être entièrement remis à neuf, et pour cette rénovation, une inauguration avec le maire de la ville avait été prévue. Après son discours d'usage, une sorte d'apéritif avait été organisé pour les seuls élèves, dans la cour de récréation. Des canettes de sodas et des pizzas avaient été achetées. Si on en voulait, il fallait attendre dans la file d'attente, qui était longue. Mais quelque chose finit par dégénérer. Et cinq minutes plus tard, les cartons de pizzas étaient éventrés, les pizzas répandues dans toute la cour, les canettes avaient été volées par packs et elles étaient maintenant distribuées parmi ceux qui avaient profité de l'agitation pour s'en emparer. Ce jour-là, j'ai préféré rentrer chez moi plus tôt que prévu. J'ai appelé ma mère, encore à son travail. Et j'ai pleuré. Ce fut sûrement la première fois que ma coquille se brisa à ce sujet, que mes parents purent percevoir cette détresse, de l'enfant qui se disait "Mais qu'est-ce que je fais ici ? Et pourquoi font-ils cela ?"
Alors le lycée parut, évidemment, comme une libération. "L'épuration" des élèves qui m'horripile d'habitude a au moins eu cet avantage -ou cet inconvénient, selon comment on le voit- il a permis aux agités d'arrêter les cours à 16 ans et de nous autoriser enfin une suite dans nos études relativement tranquille. Cela ne résoudra pas le problème pour eux, c'est certain. Mais je garde encore trop d'amertume envers eux pour me soucier véritablement de leur cas.

P.S : sûr que je connais Bernard Werber, c'est mon auteur préféré :o) Et quant à une école de journalisme, j'y songe de plus en plus sérieusement. Espérons que mon bac S ne sera pas un handicap.

Repondre a ce commentaire

Tears-of-an-AngelRe: ...
Ecrit par Tears-of-an-Angel le Dimanche 9 Mars 2003, 21:57

Je n'ai fait que de parler de celà.... De la peur que nous faisait avoir cette violence gratuite.... Jamais je ne me suis senti aussi mal que durant cette année.... Peur de tout... De mes parents, des mes amis, de toute personne vivante... Je ne pouvais plus me regarder dans la glace... Je me haissais, je ne me détestais... je ne pouvais plus me voir, voir ses mains marquées, ce visage marqué, cet esprit marqué à jamais.... J'aimerai tant qu'un jour celà s'arrange... Que ces jeunes en situation difficile prennent conscience du mal qu'ils font... Et qu'on trouve un moyen de les aider outre le fait que de les enfermer dans des studios à 40....

Repondre a ce commentaire

baptisteLes loups...
Ecrit par baptiste le Mercredi 12 Mars 2003, 00:08

A l'adolescence, et à l'époque du collège particulièrement, j'ai l'impression qu'on voit assez distinctement ce qu'il y a au fond des gens.
Enfin, je veux dire, c'est plus transparent que ce que l'on perçoit d'eux quelques années plus tard.
Après, il y a les grands examens, les petites copines, la sexualité, la recherche de boulot, sa vie à gagner, etc, bref, après ça se calme un peu, parce que je crois qu'au fur et à mesure que l'on devient "adulte", la société nous punit assez vite si l'on n'est pas sage (ou alors on décide de continuer à n'être pas sage, mais là on est sur la mauvaise pente)
Au collège, par contre, les parents ne sont pas là, les profs sont dans leur salle des profs, les surveillants dans leur bureau, et l'on n'a pas beaucoup de comptes à rendre.
Du coup, on voit assez clairement comment peuvent se conduire les hommes lorsqu'ils sont parqués ensemble, qu'on les oblige à faire des choses qui ne les intéressent qu'à moitié, et surtout lorsqu'ils sont déresponsabilisés : ils se comportent d'une façon très vilaine.
Et ce, indépendemment du type d'établissement, ZEP, ou quartier bourg'.
Même si ça ne passe pas par des agresssions à l'arme, du racket ou du harcèlement en tout genre, au collège, c'est souvent la loi du plus fort, et les autres, ce ne sont que des moutons.
Et comme on n'a pas vraiment de point de repère quant à ce qui est acceptable, et ce qui ne l'est pas (vis à vis d'autrui), et que, en tant qu'enfant sage, on a toujours obéi à papa-maman (même quand ils avaient tort !), eh bien on continue à obéir sagement, sans trop se plaindre, presque comme si c'était normal, que de se faire agresser par un crétin.
Ca m'énèrve !!
Des années après, ça m'énerve encore !
Et lire que d'autres personnes, des gens sensibles (et sensés ! :) comme toi Grezel, en ont pâti, ça m'énerve encore plus !
Enfin... tout ce que l'on peut faire, c'est garder cette expérience au fond de soi, se dire qu'il y a toujours un peu du loup potentiel chez les autres, même s'ils nous font des grands sourires polis quand ils ont trente ou quarante balais, mais sans sombrer dans la misanthropie pour autant...
Quelle équation !

Repondre a ce commentaire