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Samedi (22/03/03)

Pleuvra-t-il sur la ville tranquille ?


Voici le début d'un vieux texte que je n'ai jamais pu terminer, par manque de temps ou d'envie. Je le publie aujourd'hui en ces pages, comme une brève, un passage. Soumis à votre bon-vouloir.

Silence... La ville était endormie, et seuls quelques passants pressés circulaient encore dans les rues. Au centre-ville, les mimes bougeaient enfin pour ranger leurs affaires, les musiciens jouaient quelques notes d'un blues qui s'échappait dans l'air et résonnait dans le cœur de tous les amoureux restés sur le balcon de leur maison, afin de contempler une dernière fois la Lune naissante, qui d'un sourire apaisant, veillait sur les bambins assoupis. Sur la grande place, quelques enfants jouaient, appelés par leurs mères qui les sommaient de rentrer se couvrir, car le vent doux caressait les corps d'un agréable frisson.
Mais sur le quai du vieux port, on ne dormait pas. Une femme marchait, les cheveux volant ça-et-là, dansant une valse dont le seul maître de cérémonie était la brise qui soufflait. Des larmes perlaient sur sa joue, et dans ses yeux noyés se lisait une détresse inextinguible, le désespoir d'une femme seule au milieu de la foule, perdue lorsque tout a été tenté. Elle continua à marcher sur quelques mètres, puis, abandonnant les dernières forces de lutter, tomba sur le sol carrelé, et se laissa mourir de chagrin… Mais comme dans toute histoire, il y a un début...

C'était un soir d'hiver. Derrière la fenêtre de ma chambre, je regardais les étoiles pleines de promesses, et mon reflet sur la vitre me souriait. Lorsque la température extérieure contrastait trop fortement avec celle de ma maison, je passais la manche de mon pull sur le verre de la fenêtre pour effacer la buée naissante. J'attendais. Quoi ? Je n'en sais rien. Le Bonheur ? C'est possible. Je ne sortais pas souvent de chez moi, et je passais la plupart de mes loisirs à l'intérieur de mon domicile douillet. J'étais asocial. Je n'aimais pas les gens, et ils me le rendaient bien. Ils me semblaient si... faux. Tout en apparence, en superficiel.

J'avais alors vingt-cinq ans, et mon avenir était au bout de mon crayon. J'étais dessinateur. J'étais si jeune, et il me semblait déjà avoir tellement vécu... Lorsque les camarades de mon âge sortaient se soûler en boîte, je restais chez moi étudier, car je ne voulais pas devenir comme eux. Si souvent renié, bafoué, rejeté... J'avais enfin une occasion de montrer à tous que je valais mieux qu'eux. Ce n'était pas avec mon métier que j'y arriverais, mais je ne manquais pas d'ambition. Ainsi, je voyais les choses en grand, et je souhaitais plus que tout faire parler de moi, devenir une référence, une personne qui traverserait les années. Comment y arriver ? Je ne savais pas. Je le voulais, et cela me suffisait.

Un soir d'hiver, donc. Si j'avais su... Afin de me convaincre que rien d'intéressant ne passait à la télévision, je faisais défiler les chaînes et saisissais uniquement des bribes de phrases : " Le président a souhaité ce soir s'exprimer quant à la probable intervention d'une... Brenda, je veux un enfant de toi, partons au... Jacques, vous pouvez donc partir avec cette somme ou bien... Si vous souhaitez que Patrice reste, appelez... " Non, décidément, rien d'intéressant. Affalé sur mon canapé, je ne pus réprimer un bâillement et me dirigeai vers mon lit. Le téléphone sonna. La surprise fit place à l'indignation : qui osait me déranger dans la confortable chaleur de mon ennui ? Je ne décrochai pas et attendis que le répondeur se déclenche. Lorsque le bip sonore se fit entendre, une voix excitée évacua son enthousiasme en criant. C'était mon ami, mon seul si je puis dire. Inséparables que nous étions, nous avions décidé de travailler ensemble, et il s'occupait depuis lors de mes contrats, mes factures, mes vernissages, et également du reste, d'ailleurs. J'étais très désordonné, et bien que j'eusse quitté le foyer parental depuis plusieurs années, l'approche lucrative de mon art me laissait froid, et je nécessitais donc l'aide d'un responsable budgétaire. Il s'en sortait bien, et le message sur le répondeur annonçait une grande nouvelle :
" Réponds réponds réponds réponds... Hé bien tu n'es pas là ? Je t'appelle pour t'annoncer une grande nouvelle ! Je suis rentré en contact avec l'agence dont nous avions parlé, et devine quoi : une salle en plein Paris t'est accordée pour l'exposition de tes dessins ! C'est une nouvelle ère, mon vieux, tu sors de l'anonymat, nous allons faire un malheur ! Rappelle-moi, nous devons encore fixer les conditions. Bonne nuit, rêve de la gloire et la fortune qui nous attendent ! "
Puis il raccrocha. Ainsi, j'allais exposer... Être connu n'était pas une de mes nécessités, mais j'avais besoin d'argent pour finir de payer mon appartement nouvellement acheté, signe de mon indépendance envers mes parents. Un rêve qui se concrétisait en quelque sorte.

Le lendemain, je rejoignis mon meilleur ami, Thomas, au café habituel. Sa mine radieuse contrastait avec mes cernes qui avaient la couleur du malheur. Je ne dormais plus beaucoup, et je passais le plus clair de mon temps dans mon lit à réfléchir à ma condition, à me demander comment serait le monde si je l'avais inventé...
" Ah enfin te voilà ! J'ai commandé sans toi, tu m'excuseras. Mais maintenant que tu vas devenir célèbre, dois-je te vouvoyer ? " Et il lança son rire sonore, ce rire qui lui était propre, tout en nuances et en tonalités. Puis il reprit :
" Non, véritablement, je pense que cette exposition t'apportera une excellente publicité. Les cartons d'invitation ont déjà été envoyés. Nous attendons beaucoup de monde, si tu veux savoir. Et puis... " Il prit son air faussement gêné, ce qui annonçait qu'il allait soit me demander de l'argent, soit me parler d'une fille :
" Hier, j'ai rencontré en boîte une fille très bien. " Gagné. " Elle te plairait sûrement. Elle n'est pas dans le genre festif et semblait s'ennuyer, alors je l'ai abordée. On a commencé à parler de littérature, de cinéma... Non, vraiment, plutôt jolie en plus, que du bonheur pour toi ! " Thomas était mon total opposé. Si j'étais démon, il serait ange, si j'étais feu, il serait eau. Je ne le comprenais pas vraiment, mais un lien incoercible nous attachait. Il reprit son monologue :
" Bref, et pour m'assurer que vous vous entendrez bien, j'ai réservé une table ce soir dans un restaurant chic pour vous deux. Ne t'inquiète pas, tu me rembourseras plus tard, c'est tout naturel.
- Mais je...
- Attends, c'est la chance de ta vie, ce genre d'occasion ne se rate pas. De plus, je l'ai invitée à ton exposition, histoire de mieux faire connaissance.
- Et si...
- Ah, un petit détail que j'avais... hum... oublié. Elle devait au départ dîner avec moi, mais je me suis rendu compte que j'avais également rendez-vous avec une autre de mes rencontres, j'ai donc dû faire un choix, et je te laisse le dîner aux chandelles, petit veinard ! Elle sera sûrement un peu surprise en te voyant arriver, mais ce ne sera qu'une formalité, n'est-ce pas ? Il faut vaincre ta timidité mon vieux !
- Mais c'est...
- Ah tiens, soit dit en passant, ne lui dis pas que c'est toi qui exposes, car elle croit que je l'ai invitée à mon exposition. Bon, il se fait tard, je dois partir. Tu me raconteras, hein ? "
Et il partit sur un petit clin d'oeil. Quelques secondes plus tard, il revint et m'agrippa le bras :
" Tu ne lui diras pas du mal de moi, hein ? "
Puis il fila. Encore une fois, notre discussion s'était avérée être une longue tirade de lui-même, Monsieur le joli coeur. Et encore une fois, j'étais le complice involontaire d'une de ses embrouilles amoureuses. Mais cette fois, c'en était trop, je n'irais pas au dîner, j'étais las de me faire exploiter pour réparer les coups tordus. Sur ce point, j'étais définitif, je n'irais pas au dîner...

Le lendemain soir, j'étais au rendez-vous. Elle était déjà là, si belle, paraissant si fragile, que je me mis à détester copieusement mon meilleur ami pour le mal qu'il lui ferait à coup sûr. Je m'approchai d'elle et commençai à lui parler :
" Je crois qu'il ne viendra pas. "
Le regard perdu dans son verre, elle ne leva pas les yeux à mon arrivée.
" Qu'est-ce qui vous fait croire que j'attends quelqu'un ?
- La peur irrépressible de la vérité qui se lit dans votre regard. "
Pour la première fois, elle leva ses yeux, qui se révélèrent être d'un bleu profond, si profond que j'eus peur de me noyer en la regardant.
" Qui êtes-vous ?
- Un ami du jeune homme avec qui vous aviez rendez-vous. Je ne voulais pas que vous attendiez en l'attente d'un faux espoir. "
Elle sembla subitement abattue, ou plutôt honteuse, avec le regard fuyant, comme si elle cherchait un endroit où se cacher. Puis elle parla avec hésitation, avec de l'amertume dans la voix :
" Hé bien, je suppose que...
- Que ce n'est pas bien grave.
- Oui, et que...
- Qu'il avait sûrement ses bonnes raisons pour vous délaisser de la sorte. "
Elle me regarda brusquement et me dévisagea comme pour mieux comprendre :
" Oui, c'est tout à fait ce que je voulais dire, comment le saviez-vous ?
- Hé bien ce n'est pas la première fois que je dois réparer les embrouilles de mon ami.
- Je serais donc si peu originale pour dire exactement la même chose que ses anciennes conquêtes ?
- Oh personnellement je ne trouve pas. Vous semblez si...
- Si ?
- Je ne sais pas exactement, mais sachez que c'est une qualité. "
Elle sourit enfin, et demanda :
" On se tutoie ? Tu prendras bien un verre ?
- Heu oui, ce n'est pas de refus. "
La soirée se passa admirablement bien. Etrangement, elle n'en voulait pas à Thomas, et ses différentes péripéties amoureuses furent un sujet de conversation dont elle raffolait. J'aurais pu écrire un recueil sur ce Dom Juan des temps modernes, qui accumulait autant de conquêtes en une semaine que moi en toute une vie. La jeune femme que j'avais en face de moi se prénommait Camille, et elle était en tous points exceptionnelle. Elle était tellement gracieuse qu'on ne pouvait s'empêcher de sourire en la voyant, et on oubliait du même coup tous nos soucis quotidiens. Lorsqu'on la regardait, une sorte de pause dans notre vie faisait qu'on ne pensait plus qu'à elle, tout le reste devenait futile. Elle était belle et pleine de charme et ses yeux bleus contrastaient avec ses cheveux noirs de jais. Thomas ne l'avait sans doute pas trouvée à la hauteur, mais pour moi, Camille fut à cet instant la plus belle femme au monde. Plus rien ne comptait hormis elle, le restaurant autour de moi disparut totalement pour me laisser tout loisir de fixer mon attention sur elle. Elle, elle...

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Ecrit par Grezel, a 19:03 dans la rubrique "Textes".


Samedi (30/11/02)

3. Et pourtant je l'aime


ET POURTANT JE L'AIME

Je ne saurais dire quand cette histoire a commencé. Et je ne sais où elle me mènera. Tout ce que je sais, c'est que je l'aime. D'un amour fou. Et elle ne le sait pas. Elle m'avait hébergé alors que j'étais en graves difficultés, et nous ne nous sommes plus quittés. Et je suis tombé amoureux, fatalement. Elle, de son côté, me voit uniquement comme un ami, un compagnon, parfois un confident. C'est dur. Cependant, cette situation me convenait, mais cela ne pouvait pas durer, inexorablement. Et l'Inconnu arriva...

Il était grand, immensément grand. Pour tout dire, il m'impressionnait. Elle l'avait rencontré au cours d'un de ses voyages d'affaires. Ils avaient commencé par dîner au restaurant, puis avaient fini par s'indiquer le chemin respectif de leurs maisons. Depuis, il venait souvent chez Elle. J'avais assisté, impuissant, à ce rapprochement, sans pouvoir agir, en étant passif dans toute cette histoire qui me dépassait, et qui ne me concernait pas. Ils avaient fini par franchir le pas, et un jour qu'ils mangeaient à la lueur de chandelles, il l'embrassa. Un monde qui bascule, comme on dit. J'étais là, je le sais...

A partir de ce jour-là, il vint de plus en plus régulièrement chez elle. Ils devenaient très proches, trop proches à mon goût. Lorsqu'ils se disputaient, je la voyais pleurer, inconsolable. Il lui arrivait de me parler de leur relation, de me dire que l'amour était cruel. Mais elle abandonnait vite, pensant que je ne comprenais pas ; bien sûr que je comprenais...

Mais il revenait toujours ; c'eut été trop beau. Et leur relation reprenait de plus belle. Il l'aimait, elle l'aimait, ils s'aimaient. D'ailleurs je l'aimais aussi, mais cette donnée n'avait que peu d'importance. Et ils se marièrent. L'emportement de la jeunesse, sans doute. Cependant, même après leur mariage, je continuai à vivre avec eux. Il arrivait bien que je les dérange, mais Elle tenait à moi et ne voulait pas que je parte. Lui ne m'aimait pas. Je le lui rendais bien...

Cependant, il arriva un moment où je fus trop encombrant, et les efforts acharnés de cet homme qui m'avait pris mon amour et qui voulait désormais me chasser furent finalement récompensés. Lorsque je me comportais mal, ils suggéraient parfois lors d'un entretien houleux qu'il vaudrait mieux se séparer de moi. Elle cherchait toujours à me défendre, mais sa détermination à me garder perdait peu à peu d'intensité, et ils se résolurent finalement à m'expulser de leur domicile familial, afin de laisser la place à un nouveau-né prévu pour bientôt.

Ce fut ainsi que je me retrouvai dehors, sans nulle part où aller. J'errai un moment dans la rue, cherchant ça et là de quoi me nourrir, jusqu'au jour où tout changea. Des brutes en uniforme me capturèrent et me mirent dans un fourgon, pour m'emmener dans un lieu dont on m'avait parlé à plusieurs reprises, et que je craignais comme le loup blanc : la Laisse-Pas-Là, ou un nom y ressemblant.

Ce que je vis alors me fit frémir : des centaines de sans-abri, comme moi, étaient cloîtrés dans des cages, en attendant qu'une bonne âme consente à les héberger. Et un jour, alors que je ressentais de la nostalgie, je confiai mes chagrins amoureux à mon compagnon de cellule. Sa réaction me surprit quelque peu ; il était hilare : " Ah ah, c'est la meilleure blague que j'ai jamais entendue. " Puis s'adressant aux autres détenus : " Ecoutez ça, les gars. Ce p'tiot me dit qu'il est amoureux d'une humaine. Une humaine ! " Et de tous de partir d'un grand éclat de rire général. Je ne comprenais pas : " Oui, et où est le problème ? - Attends mon garçon, elle est humaine, et tu es un chien ! Ne vois-tu pas un grand fossé qui vous sépare ? " Etrangement, je n'avais jamais vu la chose sous cet angle. " Je ne pensais pas que cela poserait un problème quelconque. - Un conseil que je te donne : laisse tomber. Les humains nous donnent à manger, et rien de plus. Tu t'es encore laissé berner par de grands espoirs. Le mieux que tu aurais à faire serait de tout oublier, et d'attendre sagement qu'une nouvelle famille vienne te chercher. " Ainsi le problème des espèces était une barrière infranchissable. Ayant vécu toute mon enfance avec Elle, je n'avais pas eu l'occasion de parler de cela avec un autre chien. Je comprenais désormais. J'avais vécu un amour impossible, chimérique, envers ma bienfaitrice qui m'avait accueilli. Je ne me ferais plus prendre à ce piège. L'amour semblait être un sentiment réservé aux humains. A nous, tout au plus restait-il l'amitié, la fidélité... Non, plus jamais.

Mais qui est cette jeune fille qui s'approche de ma cage ? Elle me parle ? Elle est si gentille. Ils ouvrent la cage ? Alors, je suis libre, on m'a trouvé de nouveaux hôtes ? Quel bonheur ! Tous les autres chiens me souhaitent une bonne route, et l'adolescente me prend dans ses bras. Je crois que je suis en train de tomber amoureux...

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Ecrit par Grezel, a 17:11 dans la rubrique "Textes".


Mercredi (27/11/02)

2. Au-dessus des Lois


AU-DESSUS DES LOIS

Ma mère pleure dans la pièce d'à-côté, et je n'ai plus beaucoup de temps. Je suis recherché par la police. Alors oui je suis hors-la-loi. Mais de quelle loi...

Dès le plus jeune âge, mes écarts de conduite conduisaient mes parents à me réprimander parfois. Je ne comprenais pas. Il me semblait injuste d'avoir mes actes dictés par autre chose que ma raison. Evidemment, cette notion m'était plus floue à l'époque.

Puis, lorsqu'on me crut assez mûr pour comprendre, on me parla de la loi et des règlements. La nuit suivante, je ne dormis pas. Je tentai de comprendre cette chose, créée par les hommes, qui nous nommait le Bien, le Mal, et le reste, sans nous laisser la liberté de découvrir cela par nous-même.

Dès lors, je fus curieux d'en savoir plus sur les lois humaines, et je m'acharnai à chercher ses limites. Je ne les trouvai pas immédiatement.

De même, le système scolaire me rebuta. Chaque matin, je me débattais à cors et à cris afin d'éviter de me retrouver dans ce lieu clos qui conditionnait ma pensée et m'enseignait des valeurs qui n'étaient pas miennes.

Et je grandis. L'adolescence, comme on s'en doute, ne calma pas mes ardeurs. Bien au contraire, elle les attisa d'un feu inextinguible. Cette Société tout entière me dégoûtait. A chaque fois que je posais mes yeux quelque part, je ne voyais que des moutons, des moutons bêler, des moutons se disputer pour quelque somme d'argent... Et il arrivait même que des moutons soient conscients de leur condition. Et lorsqu'ils se sentaient pris d'indignation ou de révolte, telle une mauvaise maladie, ils cherchaient à s'en débarrasser au plus vite en regardant quelque programme télévisé à pensée unique. Et ils se sentaient à nouveau bien, pensant ce qu'on leur demandait de penser, faisant ce qu'on les incitait à faire. Le totalitarisme n'est jamais aussi loin qu'on le croit.

Alors j'ai cherché à fuir au pays de la Liberté. Lequel ? Je ne sais pas, je ne l'ai toujours pas trouvé. Mais dans chaque gare où j'allais, dans chaque aéroport et à chaque frontière, le Système me rattrapait. Impossible de partir, j'étais né mouton, je me devais de le rester. J'avais trouvé les limites du Système : c'était qu'on ne pouvait pas le fuir.

Alors j'ai été pris de panique. Quelqu'un contacta un docteur, et on m'interna dans un hôpital psychiatrique. On me disait fou. Fou selon quels critères ? Selon ceux du Système, bien sûr...

Alors je me suis enfui. Et j'ai tué. Liberté chérie, tes jours sont comptés. Mais toi et moi, nous ne nous laisserons plus prendre. Adieu, donc. Et n'oublie pas : "The Law is watching you."

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Ecrit par Grezel, a 18:11 dans la rubrique "Textes".


Jeudi (21/11/02)

1. Un Monde Parfait


Ceci est la première nouvelle d'une longue série qui va suivre. Le but est simple : sur une idée que j'ai eue au cours de la journée, j'écris une nouvelle en un jour. Elles ne sont pas longues, c'est le moins que l'on puisse dire, mais elles partent toutes d'un scénario qui me trottait dans la tête et qui me tient à coeur. Elles ne se suivent pas, n'ont aucun rapport si ce n'est leur auteur. Bonne lecture :

UN MONDE PARFAIT

Cela devait arriver... Un jour ou l'autre, tout le monde s'accordait à le dire, cela devait arriver. Les plus éminents scientifiques s'étaient penchés sur le sujet, et la conclusion unanime avait été la suivante : nous devions arrêter immédiatement tout progrès scientifique, sous peine que la Science tue l'Humanité. Ce rapport fut envoyé aux gouvernements de plusieurs puissants pays, où ils prirent directement le chemin de la corbeille à papier. Pas question d'arrêter le progrès, il fallait être à la pointe de la technologie, toujours, afin de devancer ses concurrents... Mais revenons en arrière.

Les avancées dans la recherche à propos du cerveau avaient fasciné les foules. Enfin, le dernier organe insondable du corps humain, le dernier bastion de résistance de Mère Nature, avait dévoilé tous ses secrets. Le monde scientifique fut alors pris d'un engouement terrible, et de toutes parts de la Terre on se mit à inventer des systèmes permettant de repousser les limites de fonctionnement du cerveau, encore et toujours. On appela ces systèmes des " plug-ins ". Chaque plug-in avait son utilité. Le prix variait selon les capacités de chacun, et les possibilités étaient infinies. Certains plug-ins contenaient toutes les acquisitions scientifiques faites dans certains matières au cours des derniers siècles. Ainsi, le citoyen lambda fortuné pouvait du jour au lendemain devenir un astronome invétéré, ou bien même un chirurgien de talent.

Les plug-ins, tout d'abord réservés à la classe fortunée, firent vite sensation dans les couches populaires. Tout le monde ne jurait plus que par cela. Grâce à cette découverte, tous les habitants de la Terre devenaient égaux, dotés des mêmes capacités et des mêmes connaissances. Ainsi, l'Humanité tout entière pensa immédiatement que tous les problèmes seraient résolus grâce à cette invention. Ce ne fut pas tout à fait le cas.

Les plug-ins furent le plus grand succès commercial de tous les temps. Tous les produits dérivés possibles et imaginables sortirent, afin de rapporter toujours plus d'argent. Cependant, une fois que tous les domaines furent exploités et que tous les humains possédèrent les mêmes capacités, cela provoqua un immense chaos planétaire. Plus aucun métier, plus aucune différence, nous étions tellement nés égaux qu'il était alors impossible de nous différencier autrement que physiquement. Le mode de pensée unique, voilà ce qui restait. Tout d'abord les puissances totalitaires tentèrent de s'emparer des grandes sociétés de plug-ins, mais sans succès. Beaucoup de valeurs furent remises en cause, et les philosophes se penchèrent sur le sujet durant des décennies.

Mais les plug-ins n'arrêtaient pas de progresser. Toutes les idées de produits dérivés furent épuisées, et il fallut alors sortir de nouveaux plug-ins à souvenirs. Pour une petite somme, nous pouvions revivre le naufrage du Titanic comme si nous y avions été, et d'autres événements marquants. Ce fut à ce moment que les scientifiques tirèrent la sirène d'alarme. Chaque citoyen possédait les mêmes compétences, les mêmes souvenirs, la télépathie apparut à ce moment là, et dans plusieurs communautés, nos interlocuteurs, sachant à l'avance ce que nous allions dire, nous obligeaient à nous taire. Le langage, devenu obsolète, disparut et ne fut que le domaine privilégié de quelques nostalgiques. Une population de Dieux, voilà ce qui avait été créé. Des personnes omniscientes, qui n'avaient plus rien à apprendre.

Comme pour tout nouveau système abusif, des groupes dissidents se créèrent. Ce fut le cas d'une catégorie de personnes qui se faisaient effacer la mémoire afin de pouvoir découvrir encore et encore les joies de la Vie, sans connaître l'obstacle de l'omniscience. Comme certains aimeraient oublier le contenu d'un livre pour pouvoir le lire à nouveau, ce type de personnes oubliait tout volontairement par opération médicale clandestine afin d'être à nouveau émerveillés de Mère Nature, que les Hommes avaient osé défier.

Plus rien n'était à découvrir, les habitants de la Terre, chaque fois qu'ils se levaient, avaient une impression de déjà-vu qui ne les quittait qu'au coucher, pour recommencer le lendemain, identique à la veille. Un beau jour, les Terriens apprirent qu'une aurore boréale, plus beau phénomène que la Nature puisse offrir, allait être visible à plusieurs endroits dans le Monde. La population se réunit en ces lieux, et attendit l'événement. Ce fut sans doute ce moment-là que choisit l'Humanité pour s'éteindre, car à l'apparition de l'aurore boréale, toute la population mondiale, dans un ultime choeur, ferma les yeux, et mourut. D'aucuns racontent que l'aurore boréale, n'émerveillant plus personne, avait provoqué le sentiment dans le coeur de ces personnes que leur vie n'était plus utile, ayant tout découvert en ce monde.

Moi qui vous parle en ce moment, je suis un de ceux qui ont volontairement effacé leur mémoire. Chaque matin que le Soleil éclaire, je découvre de nouvelles choses, j'apprends de nouvelles connaissances, je ressens de nouveaux sentiments. En un mot, je vis. Et tous mes camarades font comme moi. Et ensemble, nous tentons de recréer un nouveau monde, vierge de toutes les anciennes connaissances scientifiques. Nous chassons, nous cueillons, et peu à peu la Nature reprend ses droits. Et vous savez quoi ? Nous sommes heureux...

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Ecrit par Grezel, a 17:11 dans la rubrique "Textes".


Dimanche (30/06/02)

Credo Quia Absurdum (Je le crois parce que c'est absurde)


Ma vie touche à sa fin. C'était écrit. J'étais heureux, épanoui, j'avais une femme aimante, une famille sublime et un travail bien rémunéré... Bref, j'avais tout ce qu'un homme pouvait attendre de la vie. Mais je n'ai plus rien. La mémoire me fait défaut, et tout est encore flou dans ma tête. Si je couche mon histoire sur papier, c'est pour ne pas oublier ; jamais...

J'habitais une villa somptueuse, avec ma charmante épouse et mes deux enfants. Piscine, sauna... Je pouvais me le permettre, d'ailleurs, car j'exerçais la profession de juge, et bien que je fûs encore nouveau dans le métier, l'argent commençait à affluer. Mais c'est là que le bât blesse. Juger n'est pas un métier facile, loin de là, et j'eus très vite à m'occuper d'affaires délicates. Avec du recul, je pense que je n'y étais pas préparé.
Ainsi, l'abolition de la peine de mort commençait à faire des partisans dans mon pays, mais ce fléau continuait encore et toujours à faire tomber des têtes, chaque année. Je fus confronté à ce cas. Un homme était accusé de l'homicide de cinq personnes dans une sombre affaire d'escroquerie. La sentence tomba vite, et la peine capitale fut appliquée. Il mourut le 7 Juin 1976 par injection léthale. Cette affaire fit des vagues, car un mois plus tard, jour pour jour, le véritable coupable fut trouvé, et l'ancien accusé fut acquitté à titre posthume. Mon orgueil en prit un coup. Un innocent avait été tué par ma faute ; j'avais du sang sur les mains.
Je préférai me retirer de ma profession avant de subir les foudres des médias. Ma femme me quitta alors - pas intéressée par l'argent, disait-elle - avec mes deux enfants. Ma vie avait complètement basculé. Je tombai en dépression. Une partie de moi-même ne me reconnaissait plus, et un conflit intérieur naquit alors dans mon esprit.
Un matin, un terrible mal de tête me saisit. Et mon tourment continua. Pendant mon sommeil, une vitre avait été brisée. Mais cela aurait pu rester anodin si je ne m'étais pas rendu compte que les bris de glace étaient tombés à l'extérieur. Pourtant, étrangement, tout cela me libéra de ma dépression, et je commençai à chercher un nouveau travail.
La nuit suivante, alors que je dormais dans ma villa, ma porte fut crochetée, et il y eut infraction dans mon domicile. Cependant, rien ne manquait, comme si l'intrus s'était arrêté au seuil de la porte.
Et tout s'enchaîna. Dans la soirée, alors que je me rasais dans la salle de bains en sifflant une vieille berceuse qui avait apaisé tous mes chagrins dans mon enfance, j'entendis un bruit dans la cave. Je m'arrêtai alors de siffler, et le bruit s'arrêta ; je continuai, et le bruit fit de même. Ainsi, quelqu'un sifflait en même temps que moi la vieille berceuse inventée par ma mère ! La paranoïa m'envahit, et je me barricadai dans ma chambre. C'en était trop. Tous ces détails, ma dépression, mon conflit intérieur, mon mal de tête, la vitre brisée, mon âme libérée, la berceuse... Un doute terrible m'envahit et ne me quitta plus.

Ainsi, la boucle est bouclée. Je suis assis à mon bureau en train de rédiger ce qui pourrait être mon testament. Un couteau a été planté tout à l'heure dans ma porte ; un message clair... La lune est pâle ce soir. Mais... Je viens de voir sous un lampadaire en bas de chez moi mon double parfait ! Il m'a vu, et il arrive ! Ainsi, mes soupçons sont fondés, et mon double vient me tuer, afin que seule la bonne version de moi-même survive. Adieu donc, car je dois mourir...


Pour retrouver cet article en format texte (.html), cliquez ici.

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Ecrit par Grezel, a 22:06 dans la rubrique "Textes".


Lundi (24/06/02)

Nos années heureuses


Un jour, j’ai lu dans un roman que l’amour le plus fort est celui qui n’est pas partagé. En effet, on peut ainsi aimer à la folie sans se soucier des sentiments de l’autre, car on sait très bien que l’autre n’en a pas pour nous. Cependant, ce que je ne précise pas, c’est qu’on ne peut sortir indemne du véritable amour, et l’indifférence de l’autre pour nos sentiments nous ronge de l’intérieur, nous tord le ventre, nous livre à nous-même durant de longues nuits d’insomnie, pour finalement faire de nous une loque.

Mais j’arrête désormais de généraliser, car je ne vais pas vous parler de nous, mais de moi. Tout ceci, je l’ai vécu, au cours de ce qu’on pourrait appeler les années collège. Quatre ans, quatre actes pour finalement arriver à une conclusion malheureuse. Je vous ai révélé la fin, mais pour en arriver là, à l’heure où je vous parle, alors que le brevet vient juste de s’achever et que je suis en vacances, il a fallu quatre longues années de joies, de déceptions, de peines et de rancœurs, que je vous raconte ici. Pour se rappeler du collège, de mes amis et de mes amours, que je ne reverrai plus…

6ème

Comme d’habitude, la veille de la rentrée, je ne dormis pas. J’avais passé une partie des vacances avec Maxime, mon ami d’enfance. Il avait réussi à voir la composition de la classe, et nous fantasmions déjà sur les noms des nouvelles filles. Finie la jeunesse insouciante de l’école primaire, désormais, les choses devenaient sérieuses et nous nous préparions à cette nouvelle ère que nous appelions adolescence. Nos prédécesseurs, pères, mères, frères, avaient connu leur premier amour dans cette période, et nous ne comptions pas être de reste. Nos illusions étaient de grande envergure…

Pour ma part, l’école primaire reste ma période préférée. Je dis peut-être cela car je ne m’en souviens plus, après tout. Mais dans mes souvenirs, je vois de l’amitié, des copains de jeux, et un avenir encore flou. L’adolescence et ses tracas ne pointèrent le nez qu’à partir du CM2. Ce fut là une mauvaise période, mais qui nous en apprit plus sur ce qui nous attendait que n’importe quel documentaire sur la puberté :

Maxime, toujours lui, avait été conquis par une fille de notre classe prénommée Anne. Au début, on ne notait qu’une légère attirance, mais cela se transforma bientôt en une sorte d’obsession. Il ne la lâcha plus, lui offrit maints cadeaux, et il essuya coup sur coup des refus et des revers. Il ne voyait plus qu’elle, n’entendait plus qu’elle, et le reste lui importait peu. Anne n’était pas disposée à céder à ses avances. Maxime, de par son charisme de leader, entraîna une certaine mode de la Anne-mania. Tous les garçons se mirent à suivre Anne, et plus d’un en tomba amoureux à son tour, en ne sachant parfois même pas pourquoi. Anne se contenta de rester Anne. Cet acharnement ne lui déplaisait pas, au contraire même, elle prenait un malin plaisir à ceci. Elle ne faisait rien pour attirer les garçons, je peux en témoigner, mais elle récolta tout de même ce qu’elle n’avait pas semé : l’affection des garçons. Pour ma part, j’étais en quelque sorte son ami, son confident, celui à qui elle pouvait parler en connaissance de mon désintéressement. J’avais en quelque sorte peur de l’amour, ce sentiment que je ne pouvais connaître, si ce n’est celui que ma famille me portait. Je n’aimais pas Anne. D’ailleurs, le mot « aimer » est mal employé, en sachant pertinemment que l’on ne peut raisonnablement pas tomber amoureux à cet âge-là. Mais je le garde tout de même, ne sachant par quoi le remplacer. Quant à moi, j’étais attiré par une autre fille. Seulement, ne voulant le dire à personne par peur des moqueries, je gardais ce sentiment pour moi et me mis à la Anne-mania, comme les autres.

Cependant, en Juin, alors que l’année scolaire se terminait, la tension monta dans la classe, et tout ne fut pas rose pour Anne. Maxime ne voulait pas partir avec des regrets, et à la veille des vacances, nous nous joignîmes pour dire à Anne ses quatre vérités. En y repensant, je peine encore à croire comment cela s’est produit. Mais le résultat est là : notre séparation avec elle se fit dans la tourmente, et elle pleurait lorsque nous la quittâmes pour prendre des vacances bien méritées. En 6ème, nous savions que nous serions dans le même collège mais pas dans la même classe, et je bénis encore le ciel pour que ce ne fût pas le cas…

Et ainsi commence mon histoire. Comme d’habitude, la veille de la rentrée, je ne dormis pas. Comment peut-on dormir lorsqu’on a le sentiment que notre vie va radicalement changer ? Ma petite vie bien rangée d’enfant me convenait, et si on m’avait laissé le choix de ma vie future, je ne crois pas que j’aurais franchi les portes de ce collège qui m’accueillerait pendant quatre longues années… Une grande bâtisse, ce collège, qui ne respectait pas les consignes de sécurité, mais qui continuait de fonctionner, faute de mieux pour les élèves. Tous les nouveaux élèves se rangèrent dans la cour de récréation, et attendirent sagement qu’on les appelle pour l’assignation des classes. Je ne me faisais pas de souci, je savais que je serais dans une bonne classe, avec tous mes amis de primaire. Les élèves défilaient au rythme de la voix lente qui énonçait leurs noms. Puis retentit « Grezel ». Ce fut à ce moment-là que je me rendis compte qu’aucun retour en arrière n’était possible, que mon enfance s’était envolée en même temps que mon entrée dans le collège. Soit, je m’accommoderais bien de cette nouvelle vie. Ce que je peux dire, c’est que je n’ai pas toujours été heureux, mais du moins, je me suis toujours efforcé de faire de mon mieux avec ce que j’avais pour réussir à mon bonheur. Je ne blâme personne. L’adolescence est un moment où la vie bascule. Les hauts et les bas de cette période forgent le caractère de la personne, et chacun tente à sa manière de survivre aux moments pénibles à passer. Pour le moment, je ne pense pas m’en être tiré trop mal. Entrée en classe, notre professeur principal se présente. Je me suis assis à côté de Maxime ; forcément. Je scrute les élèves inconnus qui seront nos compagnons de galère durant toute une année. J’aurais pu tomber pire. Le professeur explique comment se déroulera l’année. Tout cela me paraît bien compliqué, mais je ne suis pas d’un caractère à m’en faire. Et la sonnerie de délivrance retentit, cette bonne vieille sonnerie, si chaleureuse, si rassurante parmi toute cette nouveauté. Voilà bien une chose qui n’a pas changé. Je retrouve mes copains acquis en primaire dans la cour, et chacun expose son sentiment sur la situation. Nous sommes comme des cosmonautes perdus dans les limbes d’une planète inconnue. Il va falloir s’y faire, de toute façon…

Ainsi, nos espérances n’étaient pas déçues, et les noms de filles sur lesquels nous nous inventions mille et un rêves se transformèrent en demoiselles séduisantes qui étaient comme nous déboussolées dans ce monde. Peut-être chercheraient-elles un peu de réconfort que nous étions tout disposés à leur donner…

Et c’est dans cette période que la vérité m’assaillit de toutes parts. Mon ombre était là, quelque soit le côté où je tournais la tête ; elle était sous moi, prête à m’avaler. Dans l’adolescence, on fait connaissance avec nous-même. Et la personne qui me fut présentée comme étant Grezel ne me plut pas beaucoup. Tout d’abord, je découvris que je ne plaisais pas aux filles. Voilà bien un de mes plus profonds regrets, aujourd’hui encore où cette situation s’est tout de même estompée. Ainsi, je débuterai cette histoire comme personnage secondaire, pour ensuite me rapprocher du devant de la scène.

Les premiers jours de la sixième ne me reviennent pas très clair. A cette époque, je confondais les filles entre elles, et j’éprouvais énormément de difficulté à m’intégrer aux nouveaux venus. Je restais donc avec Bruno, d’un caractère assez distinct au mien à cette époque : timide, introverti, sauvage même. Bruno non plus ne plaisait pas aux filles, et ce point commun nous rapprochait encore un peu. Nous ne nous mêlions pas aux autres, et ceci me convint beaucoup au début. Seulement, cet isolement se transforma en regret, puis en frustration, puis en désespoir lorsque je tombai amoureux, et mes amitiés ne me suffirent alors plus, j’essayai d’en trouver d’autres, et en particulier celle de l’élue de mon cœur : Mélanie. Belle, petite, timide, si, si fragile qu’on avait envie de la serrer dans nos bras, un sourire permanent et un air gauche et maladroit. Des yeux d’une couleur indéfinissable, semblant varier selon son humeur, et des cheveux châtains qui raccourcissaient de plus en plus au fil du temps. Malheureusement, je n’arrivais pas à lui parler, et ce fut là mon grand désespoir. J’ai d’ailleurs encore du mal à parler avec les filles pour lesquelles j’éprouve des sentiments ; rien que leur présence suffit à me faire taire. Ce fut un malheur encore plus grand par la suite, avec les autres filles qui ont compté pour moi.

Je sortis donc peu à peu de mon cocon, si doux, si confortable, pour me lancer dans un monde inexploré qui me dépassait. Je fis la connaissance de toutes les nouvelles filles assez rapidement. Sans savoir m’y prendre, je ne me débrouillais pas trop mal. N’étant pas le genre de garçon susceptible de sortir avec elles, elles me prirent donc plus comme un confident que comme un véritable garçon et donc potentiel petit ami. Décidément, je n’étais vraiment pas fait pour ça. Je devins vite ami avec Sandrine. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche et possédait déjà un certain charme. Cependant, je ne ressentais absolument rien pour elle et elle me laissait indifférent, ce qui me permit de trouver en elle une vraie amie. Je la voyais en fait plus comme une actrice de second-plan dans le film qu’était notre vie au collège. Elle était en quelque sorte l’ombre de Sophie, sa meilleure amie, qui paraissait au premier abord plus belle, plus intelligente et plus gentille que Sandrine. Je sus très vite que ce n’était pas exactement le cas. Seulement, certains n’avaient pas été aussi prudents que moi, et Maxime tomba amoureux de Sophie. C’était réciproque. Ainsi, moi, l’ombre de Maxime, et Sandrine, ombre de Sophie, trouvions dans cette idylle des sujets de conversation, ce qui nous rapprocha. Je ne comprends toujours pas pourquoi nous ne sommes pas restés pendant les trois années qui suivirent aussi proches et amicaux. Sophie y est peut-être pour quelque chose. Car un moment d’égarement me conduisit droit sur le chemin de Maxime, et je fus attiré par la même fille que lui, reproduisant les erreurs du passé. J’étais le meilleur ami de Sandrine, mais elle n’était pas la mienne. En fait, j’hésitais. Ne pouvant pas sortir avec Sophie, d’autres personnes étant avant moi sur la liste, je souhaitais tout de même rester proche d’elle d’une autre manière : sur le plan amical. Cette histoire trouva des répercussions dans le futur.

Sophie contre Mélanie : ce combat eut lieu de nombreuses fois dans mon cœur, et la gagnante ne fut jamais la même. Ainsi, par périodes, j’étais plutôt attiré par l’une ou par l’autre. Cependant, je savais que j’étais amoureux de Mélanie, et pas de Sophie. Mon attachement pour Sophie venait plutôt d’un engouement général. Et mon cœur le savait aussi, car j’arrivais à parler à Sophie, alors que j’avais encore du mal avec Mélanie ; mais je continuais à essayer. En fait, contrairement à ce que tout le monde attendait, Maxime ne sortit jamais avec Sophie. Oh, des tentatives eurent lieu, mais rien de concret ne surgit. Tous deux étaient susceptibles et impatients, et cela ne colla pas. D’ailleurs, Maxime eut toujours des relations chaotiques avec les filles, et cela continue d’être le cas. Une autre tentative eut lieu pour eux deux au début de la cinquième, sans grands résultats non plus. Et dans l’étonnement de tous, ou plutôt uniquement de moi, Sophie sortit avec Pierre, un copain. Il se procurait à moi une bonne occasion pour me consacrer à Mélanie. J’avais à cette époque un complexe d’infériorité, qui me faisait énormément de mal, et tous mes camarades de collège y étaient pour quelque chose dans son développement. Physiquement et moralement, rien en moi ne donnait envie aux autres de creuser un peu pour voir ce qui se cachait sous cette fragilité. Je le comprends. L’adolescence a ses hauts et ses bas. Selon qui vous interrogez, vous saurez si vous êtes en présence d’une de ces deux catégories : ceux qui, par leur second plan, ont souffert par la faute des premier-plan ; ou bien les premier-plan, qui n’ont vu que la beauté de la surface, celle qui leur était offerte, cette adolescence dorée qui voyait se former des couples, et où resplendissait, partout on l’on regardait, l’amour. Beaucoup de second-plans ont essayé d’émerger à cette surface si dorée : certains ont réussi, mais les autres ont sombré encore plus profondément dans l’abîme de leurs tourments. Je sais, j’offre une version très tourmentée de l’adolescence, mais c’est cette vision pessimiste des choses qui s’est offerte à moi lors de mes longues nuits de désespoir, ce désespoir qui montrait que je n’étais qu’un second-plan, une ombre, un passif… Maintenant que je pense avoir émergé au premier-plan après plusieurs années de douleur, je fais très attention à n’écraser personne, à préserver tout le monde dans mes propos et mes actes ; mais c’est parfois difficile. L’année défila à une vitesse incroyable. Pour une première année, je n’étais pas mécontent. La sortie de mon cocon annonçait les prémices d’une nouvelle période pour moi, celle où j’émergerais enfin et où je deviendrais « quelqu’un ». La sixième, si je me souviens bien, ne fut pas une période dure. Je n’avais pas encore vu certaines facettes de l’adolescence, et à partir de la cinquième, les choses se corsèrent un peu. Bref, à la fin de la sixième, je quittai mes amis le cœur léger, dans l’espoir de les retrouver dans la même classe que moi l’année suivante.

5ème

… Et nous restâmes tous ensemble dans la même classe. La 6°5 n’avait que son nom de changé, on prenait les mêmes et on recommençait. Nos mentalités aussi avaient changé, en quelque sorte ; nous nous étions en quelque sorte assagis. Oh, rien de bien grave, heureusement, mais la puberté faisait que nous évoluions. Nous passions de la douceur de la 6ème à l’âpreté de la 5ème. Mais nous étions ensemble, et c’était là l’essentiel : l’union fait la force, je m’en rendis compte à cette période. Seulement, l’enfer, c’est les autres. Ces deux faits ne cessèrent d’alterner durant un an. Je découvris que tout n’était pas rose dans l’amitié. Et pour me rendre compte de cela, je n’eus pas à aller chercher très loin. Le mal avait déjà atteint mon meilleur ami de l’époque : Maxime. A partir de la 5ème, sortir avec une fille devenait une normalité, presque une nécessité pour rester un adolescent moyen. Maxime, conscient de cela, abandonna les principes de l’amitié, et s’adonna à un petit jeu qui déplut à plus d’un : il enfonçait les autres pour mieux se rehausser. Il se fit expert dans les petites phrases assassines et les allusions en tous genres concernant ses amis devant les filles. Bien qu’il se soit calmé depuis, je ne lui ai toujours pas pardonné. Ce fut à partir de ce moment que je sortis de l’ombre de Maxime qui devenait néfaste pour moi, et que je m’affichais au grand jour. D’ailleurs, la trop vive lumière du grand jour me brûla, et je découvris pour la première fois que le monde était vraiment pourri : j’étais enfin dans l’adolescence. A cette période de ma vie, j’appris à me connaître mieux, d’abord par mes camarades qui me montraient sans cesse mes défauts, et par moi qui les supportais tant bien que mal, ce qui me permet de découvrir ma plus grande qualité : la patience ; ou la bêtise, je ne sais toujours pas.

J’avais fait le vide du côté de mes amis, il ne me restait donc plus qu’à en changer. Je me tournai alors vers le groupe de Sam, un ancien copain de classe. Ce fut le début de mon épanouissement moral. Je me sentais déjà mieux, libre de toute personne qui prenait le pas sur moi et qui avait une mauvaise influence. Je me rapprochais en même temps des filles, qui me prirent en quelque sorte en affection. Il faut dire qu’elles ne craignaient pas de tomber amoureuses de moi, et pour cause. Ce fut en 5ème que je me rendis réellement compte de ma différence et de l’indifférence de toutes les filles à mon égard. A l’âge où sortir avec une fille est une banalité, cela restait un défi pour moi, un Eden inatteignable, un pont infranchissable. J’ai souffert de par ma différence. Cette souffrance dura trois ans. Personne ne peut se rendre compte quelles séquelles peuvent laisser tant d’années de désespoir dans le cœur d’une personne. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui encore je garde ce malheur en moi, mon manque de charisme, ma beauté différente, ma laideur donc, et tout ce qui fit que je restai une âme célibataire en peine durant ces années de collège. Heureusement, je me rendis compte par la suite que la beauté n’était qu’un atout, ce n’était pas une nécessité pour plaire.

On apprend mieux avec des coups de bâton. J’appris beaucoup pendant cette période… Je passais d’échecs en échecs. Ma lubie pour Sophie m’était passée, et je m’attardais sur Mélanie. Mon malheur fut de parler de mon affection pour elle à beaucoup trop de personnes pour que le secret persiste. Tout d’abord à Maxime, ce qui fut une mauvaise idée, en partie pour des raisons citées plus haut. Il me semblait presque qu’aimer m’était interdit, que j’enfreignais une quelconque loi tacite en faisant part de mon attachement pour Mélanie. Mais je me trompais, peut-être que ce que je lisais dans les yeux de mes camarades n’était en fait qu’une profonde pitié à mon égard… Ainsi se termina cette année qui n’a pas laissé d’empreinte dans ma mémoire. Dire qu’à cette époque, il me semblait déjà avoir tout vu…

4ème

On pourrait appeler cette période l’apogée, ou je ne sais quel autre titre de ce genre. Finis les soucis, cette année fut une sorte de pause-café dans ma vie. Les soucis partirent en même temps que les restes de l’enfant que j’avais été, et que j’avais gardés jusqu’alors. En fait, j’améliore un peu la réalité en disant cela ; cette période a été positive en grande partie dans les relations que j’ai eues avec mes camarades, mais cela a suffi amplement pour que le soleil de la vie chasse les nuages du désespoir au-dessus de ma tête. Exit le petit blondinet à lunettes timide et toujours en dehors de toutes les conversations. Je m’affirmais enfin, je devenais quelqu’un, et de par cela, je m’épanouissais dans mes relations. Evidemment, cette année vit également beaucoup de désillusions, mais les désillusions ont de tous temps été indissociables de l’espoir. Seulement, je n’ai pas su profiter à temps de cet âge d’or, car ce que l’on m’offrait n’était pas exactement ce que je désirais : je souhaitais seulement sortir avec Mélanie, et l’on me donnait tout, sauf elle. Et comme d’habitude dans ces cas-là, je compris que j’étais dans une bonne période uniquement lorsque celle-ci se termina….

J’en ai tout de même profité. Je raccompagnais tous les soirs les filles et je délaissais mes amis, ce qui ne fut évidemment pas de leur goût. Ils commencèrent à se poser des questions sur ma vraie nature. Soyez heureux et vous vous ferez des ennemis. Soyez malheureux et ils seront satisfaits. Mais pour les filles, ma nature ne faisait aucun doute : j’étais des leurs…

Ma période collégienne fut vraiment le théâtre de mon épanouissement personnel. Je n’aurais pas pu le savoir avant qu’elle se termine, mais maintenant que j’ai pris du recul par rapport à ces quatre années, la différence se fait nettement sentir entre le Grezel de 6ème, gauche et timide, plus intellectuel que spirituel, et mon Moi actuel, détendu, enfin, et m’étant fait une place dans la société, celle-là même qui semblait me rejeter il y a peu de temps de cela. En bref, durant la 4ème, j’émergeai, et on se rendit enfin compte de mon existence, on ne pouvait plus me nier, j’étais sorti des second-plan, j’étais là, j’avais émergé… ça tombe bien, je suis claustrophobe.

Mais à tout règne, il y a une chute. A toute apogée, il y a une fin. Tout cela était trop beau pour que ça dure, et le destin, implacable, ne tarda pas à pointer le bout de son nez. En effet, pour faire mal à quelqu’un, il suffit de taper là où ça fait mal, de trouver la faille, le point faible. Le mien était trop important pour que je puisse le négliger, mais pourtant je le fis, occupé à batailler avec Maxime et Sam, mes deux frères ennemis, bien décidés à prendre ma place de confident des filles. Bref, mon point faible s’appelait Mélanie.

Personne ne s’intéressait à elle, elle ne s’intéressait à personne, même pas à moi, je le savais bien, mais mon désespoir s’en trouvait amoindri du fait qu’elle était seule, célibataire. Seulement, elle n’était pas comme moi, et elle ne tarda pas longtemps à sortir de cette solitude funeste dont j’étais également la proie depuis beaucoup trop d’années. Ainsi, dans le groupe déjà très soudé que formait notre classe vint se greffer un nouvel élément. C’était un garçon de 3ème, déjà plus âgé, et avec qui je ne pouvais que m’entendre, du fait de ma ressemblance avec lui de tous les points de vue : physiquement, il était très quelconque, portait des lunettes, un petit air pincé ; et moralement, faisait des blagues beaucoup trop triviales pour que n’importe quelle fille puisse réellement les apprécier. Bref, j’estimais réellement ce garçon, et je l’aidai de toutes mes possibilités à s’intégrer à notre groupe. Ceci fait, il ne tarda pas à montrer ses réelles motivations, et son vif intérêt pour Mélanie ; j’eus la naïveté de croire qu’il ne pourrait réussir là où j’avais échoué. Le 17 Mars 2000 fut un jour de deuil pour moi : je perdis mon âme d’enfant, ce garçon sortit avec Mélanie, et je n’eus plus qu’à sombrer dans un mélange d’incrédulité et de consternation. Je dus également consoler Bruno, ancien amoureux de Mélanie, tout en cachant ma propre peine, car tout le monde avait déjà oublié mon profond attachement à elle. Finalement, j’avais voulu entrer dans un monde qui n’était pas le mien, mais je m’y étais cassé les dents. Dans ma folie des grandeurs, j’avais voulu devenir ce que je n’étais pas. J’étais encore ce petit blondinet à lunettes de 6ème, d’une timidité maladive, qui, lors des récréations, regardait d’un œil envieux le groupe des enfants « biens », en rêvant un jour de faire partie des leurs. J’étais comme Bruno, seulement j’avais en quelque sorte mieux réussi que lui en émergeant des rebuts de la société collégienne, en quittant un monde dont personne ne se souciait pour aller dans le monde dans lequel tout le monde rêvait d’aller. Mais on ne peut pas renier ses origines ; jamais…

Toutes ces pensées m’effleurèrent l’esprit lors du week-end qui suivit le 17 Mars. Je revoyais en rêve ce moment où je vis tout, où je compris tout : Je sortais du collège en compagnie de Sandrine et de ce fameux garçon qui s’intéressait de beaucoup trop près à Mélanie pour être honnête. A une centaine de mètres, je vis une fille, si petite, si belle que j’aurais eu envie de la serrer dans mes bras pour la protéger ; c’était Mélanie. Sandrine me dit de ralentir, et mon nouvel ami continua son chemin jusqu’à elle. Ils parlèrent un infime moment, puis se jetèrent dans les bras l’un de l’autre pour s’embrasser d’un baiser que l’on ne voit d’habitude que dans les films ; mais ce n’en était pas un, et cette vision me brûla les yeux. Pour rentrer chez moi, je dus passer devant eux, comme un fantôme, un être transparent, qui n’existait plus dans le monde des deux amoureux. En les croisant, je dis une petite phrase de circonstance, puis tournai la tête, pour que personne ne voie les larmes qui coulaient sur mes joues…

Et pourtant, la Terre tourne, et elle continua de tourner ce jour-là, et la vie reprit son droit chemin. Je retournai à l’école, m’accommodai de leur amourette, et revins au point de départ. Il fallut bien que je me rende à l’évidence : les filles, ce n’était pas pour moi. Je continuai donc de jouer sur le créneau de l’amitié, en attendant de trouver mieux. Et l’année se termina, paisiblement, en promesse d’un jour nouveau, et pourquoi pas, meilleur…

3ème

Quatrième et dernier épisode de cette saga collégienne ; ce n’est pourtant pas le plus joyeux, et pour une fois, l’histoire ne se termine pas si bien que cela. Evidemment, comme d’habitude, à la rentrée, nous avons mûri, nous sommes en quelque sorte assagis, et comme d’habitude, j’ai de grandes ambitions pour l’année à venir. Mais tout a changé, et l’ambiance d’autrefois au sein de notre groupe se tend quelque peu. Tout d’abord, des nouvelles filles viennent dans notre classe, ce qui n’est évidemment pas du goût de nos amies, conscientes que leur pouvoir est remis en jeu. Elles ne tardent pas à trouver un prétexte pour les isoler du groupe et ne plus avoir à s’en inquiéter. De plus, c’est à Sam, Maxime et moi de se procurer la vedette ; en tant qu’amis, évidemment, pour ne pas changer, car les filles visent désormais plus haut : elles visent les garçons « mûrs », plus âgés. Plus tard, je me rendis compte qu’elles ne se débrouillèrent d’ailleurs pas trop mal pour en trouver.

De Septembre à Décembre, on eut droit à une période calme, sans beaucoup de choses à signaler. Je devins officiellement le meilleur ami de Sophie, bien que je l’étais déjà depuis plusieurs mois. On se servit principalement d’Internet comme moyen de communication, et petit à petit, on en apprit davantage l’un sur l’autre. En fait, je me souviens de cette période comme étant très, très agréable. J’étais devenu le meilleur ami de Sophie car je savais très bien que je ne pourrais jamais devenir son petit ami. Je croyais qu’en faisant cela, un de mes problèmes se résoudrait, mais malheureusement, je m’en suis créé d’autres par la même occasion. Mais cela, je ne m’en rendis compte que plus tard, alors commençons par le début.

Je devins donc le meilleur ami de Sophie, nous restions ensemble à la récréation, nous discutions le soir sur Internet et nous nous téléphonions le week-end. Tout allait bien. Lorsqu’il nous fallut trouver une entreprise pour décrocher un stage, j’invitai Sophie à venir avec moi à SurfNet.com, une start-up dans laquelle nous passâmes une semaine. Je sais que je ne peux pas trop juger vu mon âge, mais cette semaine fut à mes yeux un des moments les plus heureux de ma vie. Ce fut… indescriptible, je ne la raconterai donc pas. L’année 2000 se termina ainsi, et je passai la veille du Nouvel An chez Sandrine, avec les autres filles et Sam. Je ne sais pas ce qui se passa alors, mais lorsque je revins, je pleurai toute la nuit, en me lamentant sur mon sort, silencieusement, tandis que tout le monde souhaitait la bienvenue à la nouvelle année qui arrivait. J’eus alors le pressentiment que 2001 ne serait peut-être pas synonyme de bonheur pour moi. Mes soucis sont minimes, et relativement à certains, j’ai eu une vie heureuse. Je sais, c’est bête, mais à partir de ce jour-là, je devins fragile : je pleurais tous les soirs, je me dénigrais sans cesse, et personne ne fut là pour me réconforter ; pas même Sophie… Mais je ne lui reproche pas, je lui ai toujours tout pardonné. Seulement, ce ne fut que le début de la longue liste noire qui font qu’aujourd’hui, l’expression de « meilleurs amis » pour nous qualifier tous deux suffirait à m’étouffer. Je l’ai tellement aimée… Mais je le savais, en tant que meilleur ami, je devais rester son meilleur ami, sans jamais pouvoir être autre chose. Plus tard, lorsqu’elle se douta des réels sentiments que j’éprouvais pour elle, cela ne fit qu’empirer nos relations.

Tout est relatif. Ainsi, lorsque durant six semaines, Sophie et moi, nous ne nous adressâmes plus la parole, cela me sembla durer plusieurs longues années de drame et de calvaire. Perdez celle que vous aimez et vous deviendrez une loque. Retrouvez-la et vous serez le plus heureux du monde. Pendant six semaines, quasiment pas un mot ne fut échangé entre nous deux. Mais si cela s’était effectué à la suite d’une dispute, c’eût été trop facile ; nos relations étaient trop complexes pour qu’on se livre à de telles banalités. En fait, nous arrêtâmes de nous parler du jour au lendemain par gêne. Une sorte de timidité maladive nous avait frappés, et nous étions incapables de nous adresser la parole. Tant de fois j’ai essayé de changer les choses. Le plus grand reproche que je pourrais lui faire, c’est de n’avoir jamais fait d’efforts à mon égard, contrairement à moi qui m’échinais afin que notre amitié dure et perdure. Nous parlions seulement sur Internet, afin de régler, en quelque sorte, nos comptes. Je me tournai alors vers Sandrine, mon amie de toujours, et Sophie vers Sam. Six semaines… Le plus étonnant est que j’ai attendu tant de temps pour réagir. Mais j’y suis parvenu. Je lui ai parlé, donc, au bout de six semaines, et je lui ai alors dit que cela ne pouvait pas durer, et que notre amitié ne serait plus si rien ne se produisait d’ici la fin de la semaine. Le geste ne vint pas. Et notre amitié se termina. Elle mit quelques jours à comprendre. Et le déclic se fit. Elle me dit que j’étais réellement son meilleur ami, qu’elle m’adorait, qu’elle pensait tous les jours à moi, qu’elle souffrait elle aussi, que j’étais le deuxième homme ex aequo dans sa vie, après son père… Sophie ne manquait jamais de mots doux, de compliments et d’autres phrases agréables. Et notre amitié redevint comme avant, par je ne sais quel miracle. Et tout se serait bien terminé… Seulement, la fin n’était pas encore là

Et à un petit détail, mon existence vira de bord. J’avais alors quinze ans, et il était temps que je quitte ces maudites lunettes pour porter désormais des lentilles. Voilà le petit détail. J’étais devenu mignon ; ou du moins je le croyais, ce qui suffit à me donner un regain de confiance. Et le docteur Jekkyl se transforma en mister Hyde. Je faisais impression auprès des filles, je le voyais, je le sentais. Pour la première fois depuis ma naissance, une fille autre que ma mère me dit alors que j’étais beau. La machine se mettait en route. Peut-être que tout cela ne s’est passé que dans ma tête, mais ça a suffi à me faire passer un des moments les plus remarquables de ma vie.

Quelques semaines plus tard, une des nouvelles filles qui était arrivée dans la classe m’invita à sa boum, elle avait également invité quelques-unes de ses copines que je ne connaissais pas. Et alors je pris la décision la plus raisonnable ou je fis la plus grosse erreur de toute ma vie : je décidai d’y aller. Ce fut une fête banale, comme tant d’autres. Mais je m’en souviendrai toute ma vie. Vous rendez-vous compte, comment peut-on oublier son premier amour ? C’était la première fois que je la voyais, elle me trouvait mignon, elle voulait sortir avec moi, et je ne m’y opposai pas. Je ne l’aimais pas, j’éprouvais de la gêne avec elle, mais j’ai cru que ça s’arrangerait lorsqu’elle serait ma petite amie. Cela n’a pas été le cas. Non, je ne l’aimais pas, et je m’en suis voulu de ne pas l’aimer, car je la trahissais en quelque sorte. Mais j’avais voulu me prouver quelque chose, me prouver et prouver aux autres que j’étais capable de sortir avec une fille, je désirais savoir ce qu’on éprouvait quand on l’embrassait. Et par-dessus tout, je voulais savoir si j’avais réellement changé, si j’étais mignon, si j’avais émergé, si j’étais devenu quelqu’un, une personne à part entière, qui pouvait se vanter d’avoir eu une adolescence normale, faite de filles, de copains et de galères…

Bref, tout alla trop vite, beaucoup trop vite, et on ne peut pas construire une relation durable en si peu de temps. Trois jours après, je la revis. C’était un 1er Mai. Je m’en souviendrai toujours, car j’avais hésité à lui acheter du muguet. Je ne l’ai finalement pas fait. Je passai la journée avec elle. Tout alla trop vite. Nous passâmes à l’étape supérieure avec quelques préliminaires… L’adolescence est une période spéciale. Nous découvrons la sexualité, en étant partagé entre le sentiment que nous sommes trop jeunes, et l’envie d’en savoir plus. Ensuite, tout est question de jugement, et l’âge peut varier pour les « premières fois ». Dans mon cas, je ne suis pas allé suffisamment loin pour garder un quelconque remord.

C’était une des mes grandes périodes d’égarement. J’étais déboussolé entre l’avant et l’après, et j’étais perdu entre toutes ces décisions et ces choix que je me devais de prendre. J’étais allé trop loin cette fois-ci, et je n’avais plus beaucoup de temps avant de faire marche-arrière. Je me risquais sur une voie qui n’était pas la mienne, je ne voulais pas m’engager sérieusement avec une fille. Ce fut alors que je pris la décision de rompre avec ma petite amie. Mais les événements précipitèrent les choses. Elle vint un jour me chercher au collège, je lui avais pourtant dit de ne pas venir, et je fus pris de dégoût pour ce que j’étais devenu. Je ne voulais pas de cette fille, je n’en étais pas amoureux, et je n’arrivais pas à l’assumer. Je profitai donc d’un moment où nous étions seuls pour lui annoncer que je voulais casser. Je commençai ; des phrases confuses se bousculèrent dans ma bouche pour expliquer mes raisons idiotes ; elle détourna le regard ; et ce que je ne voulais pas voir se produisit : elle pleura. Ainsi, elle tenait véritablement à moi… Je partis ensuite comme un voleur, avec des pensées plein la tête et la mort dans l’âme. Personne ne comprenait pourquoi j’avais fait cela. Et moi-même, je commençais à me le demander. Je croyais trop au grand amour pour me contenter d’une si petite relation, et j’en ai fait les frais. Ainsi, mon premier amour ne dura que six jours.

Et la vie reprit son cours, comme toujours. Lorsque j’étais sorti avec cette fille, je ne regardais plus mes amies du même œil : je les regardais d’un œil amical. J’avais laissé mes sentiments pour Sophie et Mélanie derrière moi, et j’avais pu ainsi leur parler comme à n’importe qui. Mais après avoir cassé, tout redevint comme avant, et je m’en désespérais : ma timidité maladive envers Sophie reprenait le dessus. La même semaine que moi, elle était sortie avec un garçon d’un autre lycée : Gaëtan. Sandrine sortit de son côté avec un garçon de 22 ans. Sandrine avait beaucoup mûri ces derniers temps. Donc oui, tous mes problèmes reprirent, et au centuple…

Il existe des maladies incurables. La mienne, comment pourrais-je l’appeler : la Sophobie ? la Sophiïte ? Je ne sais pas. Mais le fait est que nous passâmes par la suite plusieurs jours sans nous parler, et le pire : sans savoir pourquoi. Elle pensait qu’elle me dérangeait, je croyais que je l’encombrais, et de fil en aiguille, nous perdîmes les restes d’amitié qui nous unissaient, et nous devînmes étrangers l’un pour l’autre. De plus, mon « combat » contre Sam et Maxime pour avoir les faveurs de Sophie ne firent que s’intensifier. Le premier était son « grand frère » comme elle aimait l’appeler, et le second était son « amoureux éperdu », qui ne réclamait qu’une chose depuis quelques temps : un simple baiser sur la bouche. Ce fut pour lui une véritable obsession pendant plusieurs semaines. Je crois qu’au terme de cette année, je pus dresser un portrait psychologique de Sophie assez ressemblant : égoïste, hypocrite lorsqu’elle risquait de blesser les gens, de nature conciliante, ne voulant pas avoir d’ennemis mais se souciant peu d’avoir de véritables amis, et surtout, surtout, rêveuse, idéaliste, rêvant encore au prince charmant et à un monde où tout serait beau et joyeux. Toute cette combinaison faisait qu’elle ne m’avait toujours pas annoncé que je n’étais plus son meilleur ami et qu’elle préférait en tous points Sam.

Tout cela, je ne le vis que plus tard. J’étais béatement attaché à Sophie, je l’aimais profondément, je restais avec elle aux récréations, et même si le temps des confidences était déjà assez loin, je croyais cependant à une solide amitié avec elle. Mais en une semaine, tout cela changea. Ce fut d’abord par une remarque d’une amie, qui me demanda si je n’avais pas des sentiments plus forts que l’amitié pour Sophie. Puis ce fut un copain qui compléta cette question, en me disant que c’était ce que Sophie elle-même croyait. Cela avait réussi à semer le doute dans mon esprit. Je demandai ensuite l’aide d’une amie sur Internet, qui devait questionner ma meilleure amie sur nos relations sans dire que c’était moi qui l’envoyais. Elle réussit sans peine, et j’eus la description complète de leur conversation : Sophie ne croyait plus en notre amitié, elle s’était beaucoup rapproché de Sam ces derniers temps, et elle savait qu’elle pourrait toujours compter sur lui et qu’il la comprenait. Elle avait également du mal à me parler depuis qu’elle sortait avec Gaëtan pour la raison énoncée plus haut. Ainsi, elle préférait m’éviter, de peur qu’on se dispute comme on le faisait fréquemment depuis quelques temps.

Tout ceci ne me faisait plus rire, et moi qui prônais la franchise, j’avais comme meilleure amie une hypocrite qui faisait tout pour me cacher ce qui m’aurait aidé à éviter le pire. Malheureusement, c’était trop tard, et notre amitié avait subi trop de coups et de déchirures pour qu’on puisse reconstruire quelque chose sur ces ruines. De plus, l’espoir aveugle qui m’avait habité pendant de longs mois m’avait quitté, et tous les efforts que j’avais réalisés pour que notre amitié dure ne trouvèrent rien d’encourageant en face d’eux. Oui, j’étais le seul à faire des efforts, et elle se laissait faire, comme à son habitude.

Les vacances arrivèrent. Le brevet était passé. Pour la plupart, nous allions nos quitter définitivement. Pour d’autres, nous nous retrouverions l’année suivante, mais dans des circonstances différentes, car plus rien ne serait pareil. Mais tout cela, je le voyais sous un nouveau jour : le lycée, les filles, les amourettes, tout ceci me concernait désormais, car je n’étais plus le même, j’étais devenu l’adolescent type, celui qui a des problèmes, comme tout le monde, mais qui laisse tout cela en dehors, et qui se consacre aux copains pour vivre les plus belles années de sa vie…

A l’heure où j’écris, les vacances se terminent. J’ai mis deux mois à écrire cette courte auto-biographie, car je n’ai gardé que les points qui m’ont paru essentiels ; pour ne pas oublier… Durant ces vacances, je suis allé chercher Sophie à la gare lorsqu’elle revint de vacances. Pour définitivement me rendre compte que tout était fini pour notre amitié, que plus rien ne pourrait la sauver et que nous devions désormais vivre notre vie chacun de notre côté. Cette année, je risque de ne pas me trouver dans sa classe. Peu m’importe désormais. C’est une nouvelle ère qui arrive, l’ère lycéenne, tant attendue, tant redoutée aussi. A moi désormais d’inventer l’histoire. Mon histoire…

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Ecrit par Grezel, a 17:06 dans la rubrique "Textes".


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